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Réforme De La Procédure Civile: Le Contentieux Prud’homal Impacté?

Date: 6 mars 2020

Au cours des dernières années, la procédure prud’homale a largement été modifiée, notamment par la loi du 8 août 2016 (n°2016-1088) et plusieurs décrets. Cette évolution se poursuit avec l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions au 1er janvier 2020.

Annoncée comme une des nouveautés majeures de l’année 2020, la réforme du code de procédure civile est l’aboutissement d’une transformation d’envergure de la justice, initiée par la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019 (n°2019-222) et concrétisée par la publication du décret du 11 décembre 2019 (n°2019-1333).

Applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, cette réforme a notamment pour vocation de repenser l’organigramme des juridictions, de développer la culture du règlement alternatif des différends, et d’étendre la représentation obligatoire par avocat. En résumé, le législateur tente un chantier de grande ampleur : améliorer et simplifier la procédure civile pour rendre la justice plus accessible et plus efficace pour le justiciable. Par conséquent, ces évolutions de la procédure doivent être rapidement appréhendées par les justiciables.

Pourtant, malgré un souci de clarification affichée, la réforme de la procédure civile laisse en suspens de nombreuses interrogations pratiques, en particulier en matière sociale et de contentieux prud’homal.

La création du « Tribunal Judiciaire » : fusion des Tribunaux d’Instance et des Tribunaux de Grande Instance
Le Tribunal Judiciaire (« TJ ») est désormais la seule juridiction de droit commun de première instance en matière civile, pénale et commerciale compétente pour les litiges n’ayant pas été attribués à une autre juridiction.

Dès lors, malgré la création de cette nouvelle juridiction regroupant les anciens Tribunaux d’Instance et de Tribunaux Grande Instance, les Conseils du Prud’hommes (« CPH ») conservent leur compétence en matière de conflits individuels liés à l’exécution et la rupture du contrat de travail.

Le droit social n’en est pas pour autant exclu de la réforme de la procédure dans la mesure où les domaines laissés à la compétence du juge judiciaire et des pôles sociaux des Tribunaux de Grandes Instance sont désormais du ressort du TJ. C’est le cas notamment du contentieux des élections professionnelles, du contentieux de la sécurité sociale, et l’application ou l’interprétation des accords collectifs.

Les prémices d’une saisine simplifiée du juge en matière sociale: quels aboutissements?
Le nouvel article 750 du code de procédure civile quant à lui a opéré une simplification des modes de saisines des juridictions :

  • en principe, la demande en justice est formée par assignation,
  • par exception dans les cas prévus par la loi lorsque la demande n’excède pas 5.000 euros, elle peut être formée par requête.

Contrairement à l’ambition affichée par la réforme de la procédure civile, les modalités de saisine des CPH ne sont pas pour l’instant impactées dans la mesure où l’article R.1452-1 du code du travail prévoit toujours la saisine des CPH par voie de requête.

Par ailleurs, la plateforme « Portail du Justiciable » qui permettra aux justiciables de saisir certaines juridictions par voie électronique ne permet pas à ce jour, de saisir le CPH de façon dématérialisée.

Bien que la saisine dématérialisée des juridictions ne soit pas encore d’actualité, la nouvelle rédaction de l’article 54 du code de procédure civile introduit une cause de nullité supplémentaire spécifique à la voie électronique : la demande par voie électronique doit comporter les adresse électronique et numéro de téléphone mobile du demandeur. Cette condition de validité doit être à garder en tête dans la mesure où elle viendrait à s’appliquer aux saisines des CPH si ces dernières venaient à être réalisables par la plateforme « Portail du Justiciable ».

L’introduction de nouveaux cas de nullité de la requête: prudence!
L’article R.1452-2 du code du travail, relatif à la validité de la requête introduite devant le CPH, fait référence à l’article 57 du code de procédure civile qui lui renvoie à l’article 54 du code de procédure civile relatifs aux mentions obligatoires des demandes initiales communes à toutes les juridictions, sous peine de nullité. Bien que le code du travail ne soit pas modifié à ce sujet, les articles du code de procédure civile précités ont fait l’objet d’une réécriture dont les conséquences sont particulièrement importantes. Par jeu de renvoi, certaines nouveautés sont applicables aux contentieux prud’homaux.

Aussi, à compter du 1er janvier 2020, les requêtes formées devant les CPH doivent contenir deux mentions obligatoires, sous peine de nullité de la demande initiale. S’ajoutent donc aux précédentes mentions obligatoires :

  • la mention des pièces sur lesquelles la demande est fondée ; 
  •  les modalités de comparution devant la juridiction et la précision que faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire ;

Avant la réforme de la procédure civile,l’article R.1452-2 ancien du code du travail disposait que la requête devait comporter, à peine de nullité, les mentions figurant à l’article 58 ancien du code de procédure civile. Ce dernier exigeait ainsi la mention des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige.
Désormais, l’article R.1452-2 du code du travail précise, par jeu de renvoi aux articles 54 et 57 du code de procédure civile, que la requête doit, à peine de nullité, mentionner les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige lorsqu'elle doit être précédée d'une tentative de conciliation, de médiation ou de procédure participative.

Or, cette tentative de conciliation n’est obligatoire que dans certains cas visés par l’article 750-1 du code de procédure civile, cela concerne notamment les cas où la demande tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros. Il faut savoir qu’il s’agit ici de dispositions particulières au tribunal judiciaire. En conséquence, il semblerait que la requête visant à saisir le conseil des prud’hommes ne soit pas concernée par cette mention, sous peine de nullité. En outre, la conciliation préalable étant une phase de la procédure propre aux contentieux prud’homaux, la tentative de conciliation préalable à la saisine ne semble pas être une condition requise. Il faudra sans doute attendre l’interprétation faite par les juges pour en être certain!

Ces nouveaux cas de nullité introduits par le décret du 11 décembre 2019 constituent un véritable enjeu pour les parties à un contentieux prud’homal. En effet, ces causes de nullité de la requête initiale peuvent être soulevées par le défendeur, mais reste à savoir si les conseillers prud’homaux les retiendront, ou s’il sera nécessaire de saisir la Cour d’appel, voire la Cour de cassation.

En toute hypothèse, le constat de ces causes de nullité n’empêchera pas la partie demanderesse de réintroduire ses demandes sous réserve de la prescription.

La représentation obligatoire par avocat : quid du contentieux prud’homal?
La réforme de la procédure civile a eu pour objectif d’étendre le périmètre de la représentation obligatoire par avocat devant les juridictions de l’ordre judiciaire. Ainsi, le décret du 11 décembre 2019 prévoit une représentation obligatoire pour:

  • les procédures relevant de la compétence exclusive du TJ, quel que soit le montant de la demande (article 760 du code de procédure civile), sans distinction entre les procédures orales ou écrites, alors que jusqu’à présent elle ne l’était que par exception devant le TGI, 
  • les procédures ne relevant pas de la compétence exclusive du TJ pour les demandes supérieures à 10.000 euros.

Par conséquent, pas de changement notable en matière sociale : le contentieux prud’homal et le contentieux des élections professionnelles devant le TJ restent sans représentation obligatoire en première instance, mais avec représentation obligatoire en appel.

Le principe de l'exécution provisoire des décisions de justice: quid des décisions des Conseil de Prud’hommes?
L’annonce de la consécration du principe de l’exécution provisoire a pu dans un premier temps déstabiliser, voire alerter certains commentateurs et professionnels du droit. Désormais l’article 514 du code de procédure civile pose le principe suivant : « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement ».

Or, en matière de contentieux prud’homal, les conséquences sont plus que réduites par rapport à l’effet de cette annonce. Ainsi, l’article R.1454-28 du code du travail maintient le principe qui était le sien avant la réforme de la procédure civile : « les décisions du conseil de prud'hommes ne sont pas exécutoires de droit à titre provisoire. Le conseil de prud'hommes peut ordonner l'exécution provisoire de ses décisions ». Cependant, cette particularité du code du travail dispose elle-même d’exception. En effet, sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire le jugement qui :

  • est susceptible d’appel que par suite d’une demande reconventionnelle ;
  • ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer;
  • ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Le code du travail constitue ainsi une exception au principe posé par le code de procédure civile au sujet de l’exécution provisoire.

Finalement, mise à part la vigilance requise pour la rédaction de la requête de saisine du CPH, afin d’échapper à la nullité peu de modification sont à dénombrer en matière sociale dans la mise en œuvre de la réforme de la procédure civile.

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