Validation du barème Macron : bonne nouvelle pour les entreprises !
Dans deux décisions rendues le 11 mai 2022,1 la Cour de Cassation a validé l’application du « Barème Macron », permettant ainsi de sécuriser les entreprises sur l’indemnisation des salariés en cas de licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.
Le Barème Macron a été introduit à l’occasion de la réforme du Code du travail par l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 (devenu l’article L. 1235-3 du Code du travail). Ce barème permet un encadrement des indemnités prud’homales et prévoit une indemnité minimale et une indemnité maximale exprimée en mois de salaire brut variant selon l’ancienneté du salarié (entre 1 et 30 ans d’ancienneté) et le nombre de salariés de l’entreprise (plus ou moins 11 salariés).
À noter qu’avant la réforme du Code du travail en 2017, la loi ne prévoyait pas d’indemnisation maximale en cas licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse. Cette situation créait une insécurité juridique et financière pour les entreprises, en particulier pour les TPE/PME.
L’application obligatoire de ce barème a longtemps suscité une vive opposition de la part de plusieurs organisations syndicales et avocats de salariés au motif qu’il ne permettrait pas d’assurer une réparation adéquate du préjudice. Certains Conseils de Prud’hommes et même certaines Cours d’appel ont d’ailleurs fait preuve de résistance en prenant le parti de s’affranchir du Barème Macron, de sorte que les entreprises se retrouvaient dans une position incertaine.
Dans ce contexte, la position de la Chambre sociale de la Cour de Cassation était particulièrement attendue afin de pouvoir clore ce débat judiciaire.
COMPATIBILITÉ DU BARÈME MACRON AVEC LES CONVENTIONS EUROPÉENNES ET INTERNATIONALES ?
Les organisations syndicales et avocats de salariés opposés à l’application du Barème Macron faisaient valoir à l’appui de leur position que celui-ci n’était pas compatible avec les conventions européennes et internationales, notamment l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (« OIT ») et l’article 24 de la Charte sociale européenne.
- Dans sa première décision, la Cour de Cassation confirme la comptabilité du Barème Macron avec l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT qui prévoit en cas de licenciement « injustifié » le versement d’une « indemnité adéquate » au salarié ou « toute forme de réparation considérée comme appropriée ».
La position de la Chambre sociale n’est pas surprenante sur ce point, car dans deux avis en date du 17 juillet 2019, la Cour de Cassation avait déjà adopté une position similaire.2
Afin de justifier sa position, la Cour de Cassation considère entre autre que le droit français dissuade suffisamment les entreprises de licencier les salariés sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, elle ajoute que le système actuel permet une indemnisation raisonnable de la perte injustifiée de l’emploi.
En effet, la Cour de Cassation démontre qu’outre le Barème Macron qui indemnise les licenciements jugés sans cause réelle et sérieuse, le Code du travail prévoit également des dispositions spécifiques pour les salariés dont le licenciement est jugé nul (c’est-à-dire en lien avec une situation de discrimination, de harcèlement ou de violation d’une liberté fondamentale, etc.) qui bénéficient d’une indemnité dont le montant ne peut être inférieur aux salaries des six derniers mois.3
- Dans sa deuxième décision, la Chambre sociale de la Cour de Cassation a considéré que l’article 24 de la Charte sociale européenne est dépourvu d’effet direct en France.
Dans cette seconde affaire, le Barème Macron avait bien été appliqué par la Cour d’appel de Nancy,4 ce que le salarié contestait au regard de son incompatibilité avec l’article 24 de la Charte sociale européenne qui consacre le « droit à une protection en cas de licenciement ».
Or, la Cour de Cassation a souligné le fait que les salariés ne pouvaient se prévaloir de cet article devant le juge en charge de trancher leur litige.
L’ABSENCE DE CONTRÔLE DE CONVENTIONALITÉ « IN CONCRETO »
L’une des grandes questions qui se posait était de savoir si les juges pouvaient écarter l’application du Barème Macron, bien que valide dans son principe au regard de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT, en tenant compte des circonstances personnelles des salariés.
Cette question se posait principalement pour les salariés confrontés à des situations particulières, plus précisément pour les salariés âgés, qui ont peu d’ancienneté, qui ont des difficultés à retrouver un emploi après la rupture de leur contrat de travail etc.
À titre d’illustration, dans la première affaire, la Cour d’appel de Paris5 avait écarté l’application du Barème Macron en raison de la situation de la salariée licenciée pour motif économique, ayant moins de quatre ans d’ancienneté, et âgée de 53 ans à la date de rupture de son contrat de travail. La Cour d’appel de Paris considérait dans ce cas d’espèce, que le montant prévu par le Barème Macron représentait à peine la moitié du préjudice subi, de sorte qu’il ne permettait pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi.
Dans sa décision du 11 mai 2022, la Cour de Cassation écarte catégoriquement l’application in concreto du Barème Macron considérant notamment que cela créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable qui serait susceptible de changer en fonction des circonstances individuelles et de l’appréciation des juges. Par ailleurs, elle ajoute qu’un tel contrôle porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi.
En pratique, la Cour de Cassation souligne qu’il appartient seulement aux juges du fond d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux prévus par le Code du travail.6
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En validant l’application du Barème Macron, la Cour de Cassation met fin à une longue controverse juridique en France et redonne de la visibilité aux entreprises dont l’équilibre financier pouvait se trouver menacé. N’oublions pas que cette prévisibilité a notamment pour objectif d’éviter les freins à l’embauche.
En outre, à travers ses décisions, la Cour de Cassation a communiqué un message fort auprès des juridictions françaises, qui devront redoubler de vigilance pour éviter que les contentieux prud’homaux ne dérivent sur d’autres terrains, notamment sur la nullité du licenciement.
À noter que si le débat est clos en France, il n’est tout de même pas exclu que la question de la conventionalité du Barème Macron soit éventuellement portée devant les juridictions européennes.